dimanche 15 février 2009

L'insupportable légèreté de l'être.




Jusqu'au 21 février prochaine se joue la pièce "Jean la Chance" de Bertolt Brecht au théâtre de la Bastille à Paris.
Cet oeuvre fut retrouvée dans les archives du Berliner Ensemble (compagnie de théâtre dirigé par Brecht) dans les années 90 et publiée en 1997. Elle est basée sur une fable des frères Grimm, où un paysan perd toutes ses possessions au cours d'échanges pas trop équitables (il troque un sac d'or contre un cheval, le cheval contre une vache, la vache contre une oie, etc.). Dans la version de Brecht, le paysan, au lieu du sac d'or échange sa femme. Un des détails le plus curieux de la pièce est que le paysan prend ces drôles d'échanges avec une allégresse impressionnante. Chaque nouvelle perte est vécue comme une libération, ou un enrichissement. Parfois on peut sentir cet 'étrange légèreté quand on perd quelque chose. Ça ne veut pas dire que ce qu'on vient de perdre n'avait aucune valeur pour nous. Mais justement, parce que cette chose avait beaucoup de valeur, elle est devenue trop lourde.
C'est ça que nous est arrivé: à une époque, on se sentait opprimé par sa présence, et petit á petit notre corps commençait à prendre une légère inclinaison. Comme si quelqu'un nous poussait vers le bas. Pendant ses promenades en ville, on voyait des êtres qui marchaient à quatre pattes et on sentait que le poids sur leur dos était plus lourd que le nôtre. De temps en temps, on rencontrait des gens qui rampaient par terre comme des asticots. Là, on constata que ces pauvres diables ne pouvaient même pas soutenir ce terrible poids.
Le temps passa et nous vîmes que si rien n'était fait, nous allions aussi finir en traînant par terre comme le reste. Il fallait lâcher du lest et nous l'avons fait. chaque acte mené au but nous approchait du début de nos vies, à notre enfance, à l'époque où il n'avait pas de poids. Mais les gens courbés, en nous voyant de plus en plus droit, commencèrent à nous regarder d'un mauvais oeil, à se méfier de nous. Jusqu'au jour ou ils décidèrent que nous étions en (un) danger. Ce triste jour nous fûmes accompagnés en lieu sûr (sûr pour qui?).
C'est pour ça que, maintenant, nos fenêtres sont habillés en treillis. La raison pour laquelle le ciel nous semble une feuille quadrillée pleine de tâches bleues. C'est, tout simplement, parce que nous sommes devenus trop légères et nous pourrions partir en volant de cette planète.