dimanche 25 janvier 2009

Le barrage.

Au début du mois de janvier, le film "Un barrage contre le Pacifique" du cinéaste cambodgien Rithy Panh sortira dans les salles. Cette adaptation du livre homonyme de Marguerite Duras décrit le combat d'une dame française (Mme. Donnadieu, "la dame blanche"), pour construire des rizières au bord de la mer. En construisant un barrage, cette aristocrate presque ruinée, essayera de rendre cultivables des terres qui en principe ne l'étaient pas.
Le film nous montre une superbe fresque de l'Indochine française de l'époque coloniale. Le projet fou d'ériger un barrage contre la mer, se prête à multiples interprétations. La mer envahit les terres comme le colonialisme se répand par tout le pays. Le pays en tant que tel, mais aussi un autre pays, encore plus intime, l'identité, la culture des terres "inondées". Est-ce que faire face au colonialisme est (et reste) aussi absurde qu'ériger un barrage contre le Pacifique?. Le colonialisme fait tâche d'huile et noie les caractéristiques les plus singulières du pays submergé sous une nappe d'uniformisation. Parfois avec une bienveillance imprégnée d'un ethnocentrisme écoeurant et le plus souvent avec la violence tout court, l'identité d'origine disparaît. On laissera seulement la place à quelques singularités, réunies au sein d'un folklore vide de contenu, qui fera parti d'une identité décadente et en voie de disparition.
Donc construire un barrage signifie aussi la volonté de survivre. La "Dame Blanche" construit le barrage pour produire du riz. "Partout dans le monde, le problème d'accès à la terre pour les paysans reste crucial" dit le réalisateur du film. L'accès à la terre, c'est aussi l'accès à la vie pour tout un chacun, et ainsi n'importe quel pays. Il paraît que les terres qui ont été protégées par le barrage sont devenues les plus fertiles de la région. Le combat rend fertile la terre... et aussi l'âme.

samedi 24 janvier 2009

Le royaume des masques.

Le musée d'Orsay organise, jusqu'au 1er février, une exposition sur le renouveau du masque au XIXe siècle. Le masque, cet objet qui transforme la face du celui qui la porte, vient de l?antiquité en passant par le Moyen Âge. Il servait à renverser les rôles dans les carnavals et les fêtes de l'époque. Il connaîtra ses heures sombres vers la première moitié du XVIIIe siècle, moment où il subira des nombreuses attaques de part de l'Église.
Se déguiser, dissimuler nos intentions derrière le masque, tracer un sourire quand il y a des larmes, montrer la sérénité pendant que l'orage se déchaîne a l'intérieur: le masque peut-être un moyen de défense dans un milieu hostile. Puisque esquisser l'ombre d'une faiblesse dans un château qui étouffe de solitude, où les seuls êtres qui nous entourent, ce sont des vautours avides de charogne, peut s'avérer fatal. Donc, en franchissant la porte, nous enfilons notre masque particulier. On se heurte alors à un défilé de masques plus grotesques les uns que les autres. Les masques qui rient et célèbrent en fanfare la fête de l'hypocrisie.
A force de vivre derrière un masque, l'objet commence à se coller à notre peau. Il devient une autre peau. Jusqu'au moment où on ne sait plus qui nous regarde à travers le reflet du miroir. Est-ce que c'est le masque qui sourit?. C'est un sourire froid, mort, qui ne transmet aucun sentiment. On ne sait plus si nous sommes devenus des êtres gris et si cette horrible grimace nous appartient. Ou si c'est tout simplement un masque, que nous pouvons enlever à tout moment.
Parfois je voudrais avoir un masque en béton. Couvrir ma gueule avec le même matériel qui couvre les murs. Devenir une part de plus sur le fond gris. Disparaître derrière le paysage. Disparaître, la victoire ultime des tenants de cet antre où la solitude règne en maîtresse absolue. Et au milieu de nulle part et au centre du tout, moi et mon masque.